Pouvez-vous nous dresser l’arbre généalogique
des Mercier ?
Mon métier de viticulteur m’oblige à regarder plutôt devant que derrière.
Si bien que je ne crois pas pouvoir faire un arbre généalogique
sans me tromper. Aujourd’hui, nous sommes plus de 200 descendants
de Jean-Jacques Mercier IV et Marie de Molin mais je suis
le seul à habiter la région sierroise.
Avez-vous reçu un héritage ?
Oui, d’abord le nom et je crois aussi un beau tapis qui provenait sans
doute du château
Utilisait-on souvent le théâtre de marionnettes?
Bien sûr. Il y avait plein de petits trucs qu’on se transmettait entre
cousins. D’ailleurs quand la famille est revenue après la
restauration, la première des choses qu’une cousine est allée
voir, c’est le théâtre de marionnettes.
Qui faisait le théâtre ?
Nous, avec nos cousines et cousins
Quelles relations aviez-vous avec vos parents ?
J’ai tutoyé mes parents mais avant moi, mes grands-parents se vouvoyaient
sans doute.
Vos parents étaient-ils sévères ?
Sans doute comme vos parents. Dans la vie, on ne peut pas faire n’importe
quoi
Pouvez-vous encore aujourd’hui aller dans
le château ?
Oui, et je suis même membre de la fondation du château.
Comment étaient habillés Mme et M. Mercier ?
Ils étaient certainement très bien habillés, sobres et élégants.
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Façade nord
du château,
avec la permission de Robert Hofer, photographe
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Possédaient-ils une voiture ?
Oui, ils possédaient déjà des voitures mais ils avaient
aussi des chevaux. Dans la première cour, l’écurie pouvait
recevoir 6 chevaux.
Aviez-vous beaucoup d’animaux ?
J’ai vu 2 vaches , des poules, des canards et des poissons
et je me souviens qu’on allait à la pêche aux écrevisses dans
les années 60, il y a 40 ans.Par contre, mes parents n’ont sûrement jamais pu y aller.
Qu’est-ce que ça fait d’être de la famille
Mercier ?
Je fais du vin, je me sens quelqu’un de normal, je suis égal à vous tous.
A part cela, je peux vous dire que j'ai beaucoup d'estime
pour mes aïeux qui ont marqué une époque.
Pouvez-nous nous parler de l’ascenseur ?
Mon arrière-grand-mère qui se déplaçait difficilement
sur la fin de sa vie a fait construire un ascenseur. Celui-ci
fonctionnait avec de l’eau sous pression. A propos de l'eau,
le château avait capté ses propres sources à
Anchette, au-dessous de Venthône. Cette eau alimentait
le parc et le château ainsi qu'une partie des voisins.
Est-ce que c’est vrai qu’ils fabriquaient
eux-même le gaz qu’ils utilisaient pour s’éclairer ?
C’est exact. Il était fabriqué avec du charbon de bois. D’ailleurs, je
pense que vous avez remarqué les petits tuyaux aux murs :
c’était pour alimenter les lampes à gaz.
Pouvez-nous parler des colonies de vacances
organisées par Marie de Molin ?
Elle proposait aux enfants de la région des vacances en colonies. N'oubliez
pas que la plupart des enfants de la région travaillaient
à la campagne et ne savaient pas ce qu'étaient
les vacances. La colonie que proposait Marie de Molin était
donc une occasion unique de prendre des vacances.
Le départ en colonie était une sorte de cérémonie:
avant de partir, les enfants venaient au château où ils prenaient
un bain. Ensuite, ils recevaient des habits propres. Enfin
sonnait l'heure du départ à la colo.
Les enfants et les adultes mangeaient-ils séparément ?
Oui, on mangeait séparément et, pour nous les enfants, c’était
uen bonne chose parce qu’on était plus libre. On mangeait
les choses qui nous plaisaient, on était entre nous. Du côté
des adultes, le repas était une sorte de cérémonie où
le chacun avait une place bien définie. Lorsque j’ai
commencé à manger à la table des adultes, j’étais placé au
bout de la table. Le maître et la maîtresse de
maison occupaient le centre.
Est-ce que vous auriez aimé que le château
reste la propriété de la famille ?
Oui, bien sûr, d'un côté j'aurais aimé
que le château reste le patrimoine de la famille mais
je ne regrette pas qu'il soit devenu la propriété
de l'état. La vie change, c’est une évolution. Il
est difficile de revenir en arrière.
Pourquoi n'avoir pas continué à habiter
au château ?
Il est difficile de répondre. Dans la famille, certains voulaient que
le château devienne un bâtiment public, d’autres voulaient
le garder. Ce sont les premiers qui ont gagné.
Comment vos arrière-grand-parents ont-ils
pu avoir des enfants s’ils dormaient séparément ?
C’est vrai qu'on parle de la chambre de grand-maman et de
celle de grand-papa. Sachez qu'à cette époque-là,
les gens d'un certain niveau social ne dormaient pas toujours
ensemble. Cela ne signifiait pas qu'ils ne dormaient jamais
ensemble. Des portes communiquaient entre les chambres, et
ce n'est peut-être qu'à la fin de leur vie que
mes arrière-grand-parents ont fait "chambre à
part".
Est-ce que vous vous perdiez dans le château ?
J’en connais les moindres recoins.
Y a-t-il un système d’alarme ?
Il n’y a pas de caméra mais un système de surveillance contre les voleurs
et contre le feu.
Voyez-vous encore les gens de votre famille ?
Oui, chaque 2 ans on fait la fête au château.
Merci M. Denis Mercier d’avoir laissé
votre vin pour nous aider à rêver à la belle époque du château
Mercier.
Propos recueillis par Pierre-Marie Epiney