Interview de Robert Kalbermatten, Martigny
Robert a été transplanté deux fois, la première fois d'un rein, la seconde du coeur et des reins.




Voici Robert au milieu de notre classse.
C'est un homme extraordinaire de vitalité et de gentillesse.

 

1.Questions générales

 

D’où viennent les organes ?

Le don d’organe est anonyme. Ce serait dommage de savoir qui a donné l’organe. Si c’est un voisin, vous avez toujours l’impression de devoir qqch à la famille.

Il y a aussi des donneurs vivants.

L’organe greffé peut provenir d’ailleurs,  de France ou d’Europe.

 

Y a-t-il aussi des enfants transplantés ?

Oui, il y a aussi des enfants qui reçoivent des organes. On transplante parfois des bébés d’un mois.

Il faut alors trouver un cœur de cet âge-là. On peut tolérer plus ou moins 20% de différence de poids entre le donneur et le receveur.

Si on ne trouve pas rapidement un cœur, c’est la mort même pour des enfants de votre âge.

 

Pourquoi doit-on donner ses organes ?

Les organes peuvent sauver la vie d'autres personnes et de tout façon on ne les emmène pas au paradis.

 

Jusqu'à quel âge peut-on être transplanté ?

Il y a des gens qui a 22 ans ont un corps de 90 ans et d’autres personnes très âgées qui on des organes en pleine santé. Celles-ci sont bien sûr sportives. Ce qui compte, ce n’est pas d’abord l’âge de la personne mais plutôt son état. D'une façon générale, on peut être transplanté jusqu'aux environ de 70-75 ans.

 

Combien de jours d'hospitalisation faut-il compter pour une transplantation du cœur ou du rein ?

33 jours pour le rein et 26 jours pour le cœur et le rein. L’opération a duré 13-14 heures.

 

Quelles sont les durées de conservation pour un cœur, pour un rein ?

Durée de conservation du cœur : 3 heures. Plus temps est court, plus on a de chance.

Rein : 30 heures. On fait venir un cœur de Suisse mais un rein peut venir des USA par exemple. On utilise alors tous les moyens pour acheminer l’organe du donneur vers le receveur.

 

Comment savoir quand le corps rejette l’organe nouveau ?

Moyen de constater le rejet : prélever un morceau de cœur et l’analyser. Le cœur s’empoisonne ; il  ne fonctionne plus comme il devrait.

Pour le rein, une prise de sang suffit.

 

Comment se passe le transfert du donneur vers le receveur ?

Le donneur est dans le même hôpital que vous. On enlève au donneur d’abord puis on ouvre le receveur. Il faut que le groupe sanguin soit le même. Dans le cas des jumeaux, ça peut fonctionner sans problème. On peut transplanter le rein d’une personne vivante. On peut mettre un rein d’adulte dans un corps d’enfants mais pas un cœur par exemple.

 

Peut-on transplanter un cerveau ?

On ne peut pas encore transplanter  un cerveau.

 

Est-ce qu’un organe coûte cher ?

L’opération oui (100 000 francs), l’organe non. On ne fait pas de trafic d’organe. Le don d’organe est gratuit. Par contre, la dialyse coûte 550 francs la séance

 

Que signifie la carte de donneur ?

La carte signifie qu’on est d’accord de donner notre organe en cas de décès.

 

Qu’est-ce que c’est une liste d’attente ?

n     liste informatique avec tous les renseignements utiles

n     aussi selon degré d’urgence

n     on n’a pas accès à cette liste

 

Peut-on prélever les organes d’une personne morte d’accident ?

Rarement. Si vous êtes morts sur le coup, on ne peut pas prélever vos organes.

L’organe doit encore être en vie pour être transplanté.

 

Qu’est-ce que la xénogreffe ?

C’est la transplantation d’organes d’animaux sur un être humain. Quand vous serez grand, ça se fera sûrement régulièrement. Pour l’instant, ce n’est pas encore au point.

La bête la plus proche de l’homme, c’est le porc ou le singe (mais il n’y en a pas assez)

 

 

 

2.Questions personnelles

 

2a : avant et pendant la transplantation

Quelle transplantation avez-vous subie ?

On m’a greffé à la fois le  cœur et le rein ; c’était la première fois qu’on pratiquait ces deux opérations en Suisse.

Je suis reconnaissant par rapport à la personne qui m’a donné ses organes. Je pense tous les jours à elle mais je sais bien sûr qu’elle est décédée. Je ne connais pas cette personne. Je suis fier d’être transplanté. Il y a qqch du donneur qui vit à travers moi. Donc, elle n’est pas tout à fait morte.

 

Avez-vous eu peur de la transplantation ?

Peur ? Non, il ne faut pas hésiter. C’est la seule chance qui s’offre à toi de vivre.  C’est l’envie de se battre pour s’en sortir. La personne qui se suicide n’a pas assez réfléchi. On ne doit pas jouer avec sa vie.

 

Que se passait-il avant la transplantation ?

Mon cœur n’allait plus bien. J’avais des difficultés à monter les escaliers par exemple.

 

Parlez-nous de votre cas.

J’ai eu des difficultés avec mon corps depuis l’adolescence. J’ai 46 ans. On m’a transplanté la première fois à 26 ans d’un rein. Pendant 5 ans, j’ai dû faire des dialyses 3 fois par semaine.

Une dialyse, c’est une espèce de machine qui purifie votre sang. On est couché sur un lit, une seringue au bras. Le sang sort du bras, passe dans la machine puis retourne dans votre corps. Une séance dure 3 heures.  

Mon cœur a été détruit par ces dialyses et mon cerveau n’a pas accepté mon nouveau rein. Donc, on a dû me faire une nouvelle greffe du rein. On a aussi greffé le cœur à cette occasion.  Cela s’est passé à Lausanne, au CHUV.  Je suis resté 26 jours à l’hôpital. Je n’ai pas vraiment souffert.

C’était un joli cadeau de Noël parce que 26 après, c’était Noël.  C’était aussi un cadeau pour ma famille parce qu’ils ont bien vu la différence. Mon corps a accepté l’organe la deuxième fois.

 

Est-ce que ça fait mal ?

Pendant la transplantation, on est endormi, on ne peut pas souffrir. Après il y a des médicaments qui permettent d’éviter de souffrir.

 

Qu’a-t-on fait de votre ancien cœur ?

Il a été détruit., sûrement brûlé. On ne peut pas le donner à un  chien quand même .

 

Etiez-vous le seul transplanté de votre famille ?

Oui.

 

Comment a réagi votre famille ?

La famille a eu peur que cela ne se passe pas très bien. Mais lorsqu’on voit le résultat, on ne peut être qu’heureux.

Quand on a un père malade toute sa vie, on apprécie quand tout à coup ça change.

Dans toute opération, il y a un risque de mourir.

 

De quels membres se compose votre famille ?

2 filles et un garçon. La première a 25 ans.

 

Pourquoi avez-vous accepté la transplantation ?

Mon instinct de survie m’a fait accepter cette transplantation. C’est une question de vie ou de mort. On tente cette opération parce qu’on sait qu’il y a une chance de s’en sortir, qu’on vivra mieux après.

 

Avez-vous attendu longtemps ?

3 mois. On est placé sur une liste d’attente. On peut attendre d’un jour à 3 ans

 

Avez-vous eu une cicatrice ?

Oui, bien sûr.

 

Avez-vous reçu l’organe d’un homme ou d’une femme ?

Je ne sais pas. Le médecin saurait peut-être. Les organes d’un homme et d’une femme sont pareils.

Mais si vous avez la moindre petite carie, on ne vous transplante pas.  Il faut qu’il n’y ait pas d’infection.

On est peut-être trois personnes à arriver pour être transplantées, une seule sortira transplantée.

 

 

2b : après la transplantation

 

Est-ce que la transplantation change la vie ?

Bien sûr, après une transplantation, on se sent 10 fois mieux, on se sent guéri. On apprécie 10 fois plus la vie

Maintenant je vis à 200à l’heure. Je profite de tout. Je me sens comme lorsque j’avais 20 ans. Je revis. Je me sens en pleine forme. Selon les médecins, changer le cœur à qqn,  c’est l’acte médical le plus facile.

 

 

Pouvez-vous aujourd’hui donner encore vos organes ?

Malheureusement pas. L’organe transplanté ne peut plus être donné à une autre personne, ni d’ailleurs tous les organes de mon corps. Pourquoi ?

Le cerveau reconnaît ce qui est à soi de ce qui n’est pas à soi (épine au doigt). Lorsqu’on reçoit un nouvel organe, le cerveau ne le considère pas comme un ami mais comme un ennemi. Il donne l’ordre au corps de se défendre contre ce corps étranger, de le détruire. Heureusement, la médecine a découvert des médicaments qui font que le cerveau ne se défende plus contre le nouvel organe. Cependant, ces médicaments empoisonnent doucement tout l’organisme qui  devient impropre au don d’organe et même au don du sang.

 

Ne risque-t-on pas tout de même de prélever un organe déjà greffé sur un transplanté ?

Non, il n’y a aucun risque. Le médecin reconnaît les organes greffés. Il y a un suivi informatique du patient. Ils ne risquent pas de greffer un organe déjà transplanté.

 

Etes-vous ami avec d’autres transplantés ?

Oui, je suis ami avec d’autres transplantés. J’ai eu l’occasion de rencontrer d’autres transplantés au cours des traitements.

 

Parlez-nous de votre action aujourd’hui.

ON s’est bagarré pour avoir un centre de dialyse à Martigny. Il est important de ne pas être trop loin de chez soi.

J’ai créé l’association valaisanne des insuffisants reinaux pour aider tous ces gens-là.

 

Que faites-vous aujourd’hui ?

Je m’occupe d’une piste de motocross à MARTIGNY, plus précisément  de l’entretien de cette piste.

J’aimerais bien que même des enfants de votre âge puissent aller à moto.

 

Est-on malade lorsqu’on est transplanté ?

Au contraire, on peut continuer de faire tout ce qu’on veut. Il faut bien sûr de l’entraînement.

Le ski n’est pas conseillé à cause du risque de collision. Le cœur n’est plus aussi bien accroché. Il n’y a plus des muscles d’origine.

 

Peut-on boire un petit verre de vin ?

On peut boire son verre de vin sans problème. Mais il ne faut pas d’abus comme tout le monde. Vous n’avez pas de régime particulier.

 

 

3.Conclusions

 

Que pensez-vous de notre action ?

Je suis heureux que vous fassiez ça. Il faut en parler. Vous allez en parler à vos parents. Vous ne savez peut-être pas que chez nous en Suisse, 15 personnes sur 100 recevront un jour un organe. Je viens volontiers chez vous parce que c’est important qu’on le sache. Je vais dans des écoles (tourisme...) Il faut être informés avant. C’est difficile pour le médecin d’annoncer une mort et de demander en même temps de prendre les organes du défunt.

Par contre, si les gens en ont entendu parler, ça ira mieux.  Aujourd’hui, chacun vit pour soi et c’est pas bien. Il faut dialoguer, partager, pas perdre sa vie.

 

On met aussi sur pied en janvier 2001 les 4ème jeux mondiaux des transplantés qui auront lieu à Nendaz.

 

Comment les gens vous regardent ?

Je ne porte pas l’étiquette « transplanté » sur le front. Par contre, si on cherche du travail, on risque de ne pas vous engager parce qu’on a peur.

 

 

Est-ce que ça change les sentiments  d’être transplanté du cœur ?

Non., les sentiments ne changent pas si le cœur a changé.