Rencontre avec un homme de coeur,
le docteur Daniel Savioz |
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I.Questions générales sur le métier de chirurgien Avez-vous été un bon élève ou
un mauvais élève avant de devenir chirurgien? Je n’ai pas toujours été un bon élève. Si le sujet m’intéressait, je m’appliquai et et obtenai de bons résultats. Dans le cas contraire, je n’étais pas un enfant brillant qui collectionnait les bonnes notes. Cependant, dès le moment où j’ai
commencé la médecine, j’étais meilleur parce que ce sujet me passionnait.
Pourquoi avez-vous choisi ce
métier? En partie par hasard mais surtout
parce que j’ai toujours eu l’envie de me rendre utile, d’aider les
gens autour de moi. Il y a dans la chirurgie une relation très importante
avec les patients. Leur contact m’apporte d’ailleurs beaucoup. Les études sont-elles longues?
Oui, il faut compter 6 ans d’université puis 6 autres années au minimum comme apprenti chirurgien. Donc, on est généraliste entre 25 et 26 ans et ce n’est qu’à l’âge de 30 à 32 ans que l’on peut pratiquer le métier de chirurgien. Mais il faut toujours continuer
à apprendre, il faut lire pour ne pas oublier ce qu’on a appris et
pour assimiler les nouvelles techniques et les nouveaux traitements. Depuis combien d'années pratiquez-vous
ce métier? Depuis 15 ans. Quelles sont les principales
qualités d'un chirurgien? Ø avoir le plaisir de rencontrer d’autres personnes et gagner leur confiance Ø ne pas calculer ses heures de travail Ø aimer étudier et aimer faire les choses manuelles (la chirurgie est aussi un métier où l’on travaille avec ses mains) Ø il faut avoir de la patience car les opérations sont parfois longues Ø en bref, il faut des qualités féminines, c’est d’ailleurs une profession où l’on compte de plus en plus de femmes
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II.Questions sur les opérations
Comment vous êtes-vous exercés à
opérer? Comme dans tout apprentissage, une autre personne vous montre les gestes à faire, vous l’imitez, vous copiez ses gestes et, peu à peu, vous pouvez vous débrouiller. C’est une chance d’avoir à ses côtés quelqu’un pour vous guider. Un autre chose importante est d'aimer lire. Il faut connaître la théorie qui se trouve dans les livres. Ensuite, il faut s’exercer à faire les gestes du chirurgien. Sur un morceau de papier fort, on fait des noeuds... En fait, il s’agit d’apprendre aussi un métier manuel ; c’est un peu comme pour apprendre le snowboard: en tombant parfois, en se relevant ensuite, on s'améliore chaque jour davantage.
Comment ouvre-t-on un ventre?
Avec une sorte de couteau, le scalpel ou bistouri. On pratique
l’ouverture à des endroits choisis pour fermer le mieux possible après.
Il s’agit de faire les choses tranquillement ; comme un chauffeur
de car qui négocie un virage, on ne doit pas faire d’erreurs. C’est
d’ailleurs ainsi pour une grande partie des professions. Quels sont les "outils"
que vous utilisez le plus souvent? Le principal instrument (il le montre), c’est le stéthoscope. Cet outil permet d’écouter le cœur. Son inventeur (Laennec, 1781-1886) l’avait mis au point parce qu’il était gêné d’appliquer son oreille contre le cœur des filles. Il a d’abord utilisé une sorte de cornet en papier qui amplifiait le bruit du cœur puis c’est devenu peu à peu un instrument comme celui-ci. Vous pouvez le passer et l’essayer.
Comment sont nettoyés les instruments
qui servent dans les opérations ? Ils sont nettoyés avec produits désinfectants très puissants. On les chauffe ou on les soumet à un gaz qui détruit les bactéries.
Y a-t-il beaucoup de sang lorsqu'on
opère? Non, en fait, il y a peu de sang. Toutefois, on possède de petits aspirateurs si on est gêné par un écoulement de sang.
Comment pouvez-vous travailler
dans le sang? Bien sûr qu’on ne peut pas faire ce métier si on a horreur du sang. La difficulté dans ce travail, ce n’est pas la vue du sang mais la relation avec le patient qui doit absolument être bonne.
Si vous faites une erreur d'opération,
qu'arrive-t-il? Par chance, presque toutes les erreurs sont réparables. Comme lorsqu’on écrit dans un cahier. Bien sûr qu’il existe des erreurs plus graves, heureusement très rares. On ne peut pas faire n’importe quoi, n’importe comment. Si l’on ne respecte pas certaines conditions, ce n’est pas pardonnable. Si les fautes sont dues à une erreur de votre part, on doit vous demander des comptes. On est même en droit de vous condamner pour cela. La seule manière pour ne pas faire de fautes, c’est de rester en éveil, de toujours lire, d’être toujours meilleur. Il est important de gagner la confiance du patient. Le problème, c’est lorsqu’il n’y a plus la confiance.
Avez-vous déjà été accusé ? Par chance, pas pour l’instant. Mais c’est de plus en plus fréquent qu’on demande des comptes aux médecins. C’est bien normal qu’on ne puisse pas faire n’importe quoi.
Avez-vous une fois oublié un instrument dans un corps? Prenez-vous des médicaments pour
éviter de vomir pendant une opération? Non. Je n’ai jamais été dégoûté par une opération.
Combien y a-t-il d'organes dans
le corps humain? Il y a le cœur, les poumons, les reins, la rate, l’estomac, le colon, la vessie, les intestins, les yeux, le cerveau… Mais en fait, les noms de ces organes, vous les connaissez aussi bien que moi.
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III. Questions sur la transplantation
Peut-on transplanter des yeux? des mains? un cerveau? On ne peut pas transplanter tout l’œil mais la cornée oui. Pour les mains, ça se fait mais c’est plutôt rare. Quant au cerveau, je pense qu’on n’arrivera jamais à le transplanter. C’est votre ordinateur de bord, il est trop personnel, trop compliqué pour pouvoir le transplanter. De plus, si le cerveau est privé d’oxygène durant plus de 3 minutes, il meurt.
Et si la greffe du cerveau se
fait dans 2000 ans, si on me greffe le cerveau de Coralie, est–ce
que j’aurai son caractère ? Oui, normalement. Ce serait le cerveau transplanté qui prendrait le pouvoir. Mais ce n’est pas imaginable !
Et si on transplante le cerveau
d’une personne bête à une personne intelligente, que va-t-il se passer ? La meilleure transplantation de cerveau, c’est de demander à une personne ignorante de travailler avec une personne plus intelligente. Il n’y a pas besoin de chirurgien pour cela. Et la transplantation risque de s’opérer.
Quels autres organes peut-on transplanter?
Le plus souvent, c’est le rein mais on transplante aussi le foie, le poumon, le cœur, le pancréas ainsi que d’autres organes, mais plus rarement.
Peut-on utiliser les organes d'autres
animaux? Non, du moins pas pour l’instant, sauf dans la recherche. La seule chose prise chez les animaux, ce sont de petits éléments de valves cardiaques. Il y a bien eu une fois une transplantation d’un cœur de babouin, mais c’était du domaine de la recherche.
Si on transplante un organe d’un
chimpanzé par exemple, est-ce qu’on aura le comportement d’un singe ? Non, c’est le cerveau qui dicte le comportement. Ce ne sont pas les organes. Donc le caractère et le comportement dépendent uniquement du receveur et pas du donneur. Le cerveau rejette-t-il tout de
suite le nouvel organe ou seulement après un certain temps? Ce n’est pas tout à fait le cerveau qui rejette le nouvel organe mais plutôt le système immunitaire. Il le fait tout de suite et voici pourquoi : Chaque cellule de notre corps est comme un plot, une brique. Et chaque plot qui vous compose a une signature. En cas de transplantation, votre système immunitaire ne reconnaît pas l’écriture nouvelle. Nous, médecins, nous donnons des médicaments qui font que le système immunitaire n’est plus capable de lire les signatures et donc accepte des plots étrangers. Dans un seul cas, il n’y a pas de
problème de rejet, celui des jumeaux vrais parce qu’ils ont des plots
semblables. Que faites-vous des "vieux"
organes? (vieux coeur...) Ils sont envoyés dans un institut pour être analysés puis sont détruits.
Combien de personnes êtes-vous dans
la salle d'opération pour une transplantation?
Et n’oublions pas qu’il y a, a parallèlement, plusieurs équipes à l’œuvre. - une équipe qui prélève l’organe chez le donneur - une équipe qui transporte l’organe sur le lieu où se fera la transplantation - une équipe qui encadre la famille du donneur - une équipe qui s’occupera du receveur après la transplantation On pratique en Suisse environ 400
greffes par an, ce qui fait en moyenne une greffe par jour. Combien d'heures dure une transplantation?
La greffe du rein est la plus facile, elle se fait en 4 à 6 heures, celle du foie occupe 12 à 18 heures. Mais il y a des greffes plus urgentes
que d’autres. Un cœur doit être greffé sans délai alors qu’un rein
peut attendre. On a mis au point une technique permettant de remplacer
un rein malade : c’est la dyalise.
La transplantation est-elle une
opération dangereuse? Oui, surtout dans le cas de transplantation
d’organes vitaux, lorsque la vie du patient est en danger. Prélève-t-on un seul organe ou plusieurs
organes chez un donneur ? Souvent, on prélève plusieurs organes chez un même donneur. On les répartit ensuite entre les différents centres. Plusieurs équipes de transplantation vont travailler en parallèle dans différents hôpitaux. Et il n’est pas rare que les organes d’un même donneur soient répartis entre plusieurs centres de transplantation. Grâce à l’informatique, on est au courant des priorités à respecter. On sait exactement qui a besoin de quoi et à quel endroit. On procède alors à des examens pour savoir si l’organe donné peut convenir ou non à tel ou tel receveur. La liste d’attente est fixée en fonction des priorités (urgences). Parfois, dans des cas d’extrême urgence, on lance des appels sur l’Europe entière.
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IV. Questions personnelles sur la transplantation
Etes-vous tombés "dans les
pommes" la première fois que vous avez fait une transplantation? Non, mais j’ai eu un immense plaisir de
voir que ça fonctionnait. Lorsque le rein nouvellement transplanté
a produit de l’urine, c’était merveilleux : la vie continuait,
c’est une immense victoire sur la maladie! Avez-vous parfois peur de transplanter
quelqu’un? Tous les chirurgiens ont peur. Mais ce
n’est pas nécessairement un mal :
la peur rend raisonnable. Vous réfléchissez bien. Vous ne risquez
moins de commettre des erreurs. Au début de votre carrière, avez-vous
eu peur de prendre un organe (par exemple un rein) à une personne
vivante pour le transplanter? Oui, dans le cas du don d’un organe pris
chez une personne vivante, c’est
très délicat. On est davantage inquiet car il y a des vies en jeu.
Avez-vous déjà pratiqué une xénogreffe
(transplantation d'organes d'un animal)?
Avez-vous déjà été transplanté?
Possédez-vous une carte de donneur
d'organes? Quel sentiment avez-vous lorsque
vous opérez? Avez-vous déjà transplanté une star
ou un acteur? Non, par chance pas. C’est une pression
de plus. Et d'ailleurs, tous les patients ont de la valeur. Combien de personnes avez-vous transplantées? Depuis combien d'années transplantez-vous
des organes? J’ai pratiqué la transplantation à Genève
durant une dizaine d’années. Avez-vous déjà transplanté un bébé? Est-ce que c'est joli de regarder
une transplantation? Non, ce n’est pas vraiment un spectacle
extraordinaire mais, par contre, le résultat est extraordinaire. Vous avez
pu voir le plaisir de vivre de Liz Schik ou de Robert Kalbermatten.
Ca, c’est joli !! Avez-vous un bip sur vous maintenant ? Non, pas en ce moment. A Genève, j’avais
un bip qui fonctionnait sur toute la Suisse. Vous déplacez-vous parfois en hélicoptère
ou en avion pour faire une transplantation? Oui, on utilise les moyens de transport
les plus performants pour sauver des vies. Mais le voyage en hélicoptère
n’est pas dans ces moments-là une partie de plaisir. Aimez-vous transplanter? Oui, j’aime aider les gens. Et il
est très important dans la vie d’aimer son métier. Le greffier ad hoc, PME
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