Notre interview de Liz Schick

Notre classe a été très émue par le témoignage poignant de Liz qui a attendu 8 mois ce foie qu'elle appelle "mon bébé".
En effet, Canal 9, la télévision régionale du Valais central, a réalisé un merveilleux documentaire sur son attente.

 


Le radieux sourire de Liz montre bien que l'on peut être transplantée et n'avoir en rien perdu le goût de la vie!

Présentation
Vendredi 22 juin: dernier jour de classe. Jour tant attendu. Une surprise était à l'ordre du jour: l'arrivée de Liz Schick, la marraine de notre site.
Qui est cette personne tant attendue?

Au début de l'année, nous avions visionné un merveilleux reportage que Canal 9 lui avait consacré. Voici en quelques mots l'histoire de Liz:
Tout allait bien pour elle jusqu'au jour où elle ressent de bizarres douleurs au ventre. Elle apprend par son médecin que son foie est malade, pire qu'il faut absolument le changer, c'est une question de vie ou de mort.
On l'inscrit donc sur une liste d'attente et la TV régionale la suit durant les huit mois où Liz est suspendue au bip providentiel qui lui annoncera qu'on a trouvé un donneur. La transplantation sera alors pour Liz comme une nouvelle naissance.

 


Pour découvrir deux des lettres que nous avons écrites à Liz:

lettre de Mirko

lettre de Lorena





I N T E R V I E W

Liz est accompagnée de son fils James et de sa fille Zoé.


Je suis très heureuse de me trouver en votre compagnie aujourd'hui. Vous m'avez écrit des lettres, je les ai gardées précieusement. J'ai trouvé que vous m'aviez posé des questions très intéressantes.

 

1.Avant la transplantation

 

Avant la transplantation, étiez-vous déjà intéressée par le don d'organes?
Oui, si quelque chose m'arrivait, je voulais que mon corps serve à quelqu'un. Par contre, je n'avais pas de carte de donneur. Je ne savais pas où les trouver. Et je me disais aussi que ma famille déciderait pour moi. Je me rends compte aujourd'hui que pour la famille, la décision de donner les organes n'est pas facile à prendre dans le stress de ces moments-là, les gens sont tristes et sûrement peu disposés à offrir les organes. Il vaut mieux avoir pensé à cette possibilité avant.

Avant votre opération, aviez-vous déjà imaginé être une fois transplantée?
Une fois, j'avais vu une émission sur la transplantation à la télévision. J'étais dégoûtée à l'idée qu'on puisse vivre avec un morceau de chair d'une autre personne morte. Mais aujourd'hui, je ne pense plus du tout comme ça. Et depuis que j'ai eu la chance d'assister à la transplantation "en live" d'un foie, j'ai trouvé extraordinaire de voir le nouveau foie remplacer l'ancien qui était laid et malade. C'est un peu le miracle de la vie.

Comment avez-vous su que vous étiez malade?
Je ne me sentais pas du tout malade. Je devais aller en Angleterre pour le mariage d'une copine. On est parti en voiture depuis la Suisse. La nuit, j'ai eu très mal au ventre. Le lendemain, en Angleterre, j'étais en pleine forme. J'ai même couru une heure sans difficultés. Le surlendemain, j'avais à nouveau mal au ventre. Ma mère m'a conseillé d'aller chez le médecin qui m'a fait un ultrason. Je pensais que c'était bon mais le médecin a préféré faire un scanner. C'est un appareil qui permet de mieux voir ce qui se passe à l'intérieur du corps. Le médecin se rendait bien compte que quelque chose n'allait pas mais il a fallu deux mois pour décider que la transplantation était la seule chance d'un remède possible. Ensuite, j'ai attendu 8 mois.

Est-ce que vous aviez imaginé qu'il fallait une tranplantation pour vous guérir?
Non, pas du tout. Je me disais: "C'est rien." J'ai demandé: "Qu'est-ce que c'est?" Mon radiologue m'a dit qu'il transmettrait le dossier à mon médecin. Comme j'insistai, il a fini par me dire: "On dirait qu'il y a des kystes sur le foie." J'ai demandé: "Est-ce que ça pourrait menacer ma vie?" Il m'a répondu: "Ca pourrait." Alors là, j'ai réalisé que c'était grave. James avait 8 ans et Zoé 5 ans. Quand on a des enfants petits comme ça, on est mal.

Est-ce qu'on aurait pu enlever le foie et ne rien remettre à la place?
Non, parce que le foie est un organe vital. La transplantation, c'est le travail du chirurgien. Est-ce que quelqu'un voudrait devenir chirurgien ici?

(Réponse de Francesco): "Moi, je voudrais faire poète."
C'est merveilleux. Tu pourras écrire des choses magnifiques pour faire connaître la transplantation.

Comment s'est passée votre période d'attente?
Je peux dire que j'ai eu beaucoup de chance. Contrairement à d'autres, je pouvais presque vivre normalement. Un bip m'accompagnait en toute circonstance mais c'était un moindre mal.

Pourquoi à un certain moment vous avez enlevé votre bip?
Comme le seul chirurgien que je désirais pour ma transplantation était parti à un congrès en Amérique, je n'ai effectivement pas porté mon bip pendant une semaine. Je me suis dit alors: "Ma mère est malade, je vais en profiter pour partir une semaine en Angleterre ."

Et si vous étiez toute seule dehors sans le bip?
A part cette incartade, je n'étais jamais dehors sans mon bip. Il faut savoir prendre ses responsabilités: si on nous cherche pour nous donner ce grand cadeau qu'est le nouvel organe, il est normal de faire l'effort de porter le bip pour qu'on puisse nous atteindre.

C'était pas agaçant de faire du sport avec le bip?
Pas tellement parce que c'était très petit. Mais avant celui-la, j'avais un ancien qui était très gros; il fallait même mettre une antenne sur le toit de la voiture. Il faut que je vous raconte une anecdote à propos de cet engin. Un jour, ce gros bip a sonné. Affolée, j'ai composé rapidement le numéro d'urgence. Et là, on m'a réprimandée:
- Pourquoi vous n'avez pas téléphoné avant?
- Mais le bip n'a sonné que maintenant.
- On vous cherche depuis longtemps, maintenant c'est trop tard.
J'étais dans tous mes états mais c'était un malentendu: en fait, ils cherchaient une infirmière pour faire une transplantation de cornée et ils m'avaient pris pour cette personne.

Et comment ça s'est passé quand c'était pour de bon?
En fait, ils essaient d'abord de nous attendre par le téléphone normal. Ils ont donc atteint mon mari. Moi, j'étais en ville avec une amie qui possédait un portable. C'est donc par son Natel que j'ai appris la nouvelle. On m'a dit de rentrer chez moi et d'attendre parce qu'il y avait une possibilité d'avoir un donneur.

Est-ce que les notes de vos enfants ont baissé quand ils ont su que vous alliez être transplanté?
Il faut leur poser la question à eux.
(réponse de son fils James): Non, pas du tout.
(réponse de sa fille Zoé): Je ne me rappelle plus. (Elle n'avait que 5 ans à l'époque)

Est-ce que vos enfants étaient choqués? Est-ce qu'ils avaient peur?
(le grand garçon répond). Non, on avait un peu l'impression qu'elle était partie en vacances.
(Liz complète) Quand ils venaient me trouver à l'hôpital, j'avais un lit qui montait et descendait, j'avais des gouttes-à-gouttes partout. Ils voulaient surtout jouer avec mon lit. (montrant sa fille) Elle, elle sautait sur le lit. C'était un peu comme dans le film "Y a-t-il un pilote dans l'avion?"

 

2.Après la transplantation

Comment s'est passée la suite de l'opération?
J'avais l'impression d'avoir un foie trop gros et je n'arrivais pas à me tenir debout comme avant. Alors j'aimais bien plaisanter avec les médecins et les infirmières. Je leur disais:
" Non seulement vous avez mis un foie trop gros -je ne peux plus attacher mes chaussures - mais en plus, vous avez attaché mes muscles trop court, alors je ne peux plus bien me tenir debout." Mais maintenant, ça va très bien.

Liz et son fils James

 

Pourquoi vous portiez le masque dans l'hôpital?
Malgré que l'hôpital est très propre, il y a plein de microbes qui peuvent être dangereux pour des gens comme moi qui doivent prendre des médicaments pour éviter le rejet. Mon foie n'est pas né dans mon corps, il a été mis après. Donc, pour que mon corps ne le rejette pas, je dois prendre des médicaments. En les prenant, ça baisse mon système immunitaire, je suis donc plus sensible aux attaques des microbes qu'une autre personne. C'est donc pour me protéger de ces microbes que je devais porter un masque.
A l'entrée de la chambre, les gens devaient se laver les mains avant d'entrer en contact avec moi. Et je devais même porter le masque quand je me promenais autour du CHUV. Les gens me prenaient pour Michael Jackson.
A la rentrée chez moi, je n'avais plus besoin de porter de masque mais je devais faire très attention. Par exemple, je ne devais manger le beurre qu'en petits emballages de 10 g.; je ne devais pas consommer de restes...
C'est un peu comme les bébés qui passent les premiers jours de leur vie sous une sorte de tente en plastic. Ils ne peuvent même pas être en contact avec leurs parents.

(Lionel, élève de la classe): Moi j'ai vécu aussi comme ça quand j'étais petit.

Que prenez-vous comme médicament?
Je prends deux petites pilules le matin et deux petites pilules le soir. J'ai la chance de n'avoir aucun effet secondaire.

Est-ce que vous avez déjà oublié de prendre vos médicaments?
Ca m'est arrivé mais très rarement. C'est heureusement pas trop grave parce que ça fait longtemps que j'en prends. Les premiers temps après ma transplantation, cela aurait été plus dangereux.

(Lionel, élève de la classe.):
Mon papa avait une très grave maladie sur les poumons. Tous les matins, il devait prendre beaucoup de médicaments avec une machine qui faisait un bruit horrible. On ne pouvait pas regarder la télévision. C'est moi qui devais m'occuper de lui donner les médicaments. Et un jour, le 13 décembre, à 10 heures, il n'a plus tenu, il est mort.

C'est sûrement une chimiothérapie. Tu connais bien la maladie, toi?

Oui, ma maman aussi, elle est infirmière.
Je suis sûre qu'elle est très bien ta maman.

Vos enfants ont-ils la carte Swisstransplant?
(Liz pose la question à James) Tu l'as?
Je crois que je l'ai perdue.
Liz: Avant il avait toujours une carte avec lui.A propos des cartes, si les enfants n'ont pas la majorité, même s'ils ont une carte, on posera toujours la question aux parents. Est-ce que vos parents ont été choqués que vous parliez à l'école de choses comme ça?
Non. Ils pensent que c'est bien, que ça peut sauver des vies.
Liz: Avant, ma mère n'aimait pas du tout cette idée de transplantation. Maintenant, elle a complètement changé. Je crois que de faire un film sur ce sujet ou de faire ce que vous faites avec votre site, ça peut beaucoup aider les gens à se situer. On a le droit d'être contre mais il faut y avoir réfléchi.

Maintenant, est-ce que vous travaillez tout le temps au magasin de sport?
Je ne travaille que 6 mois par année mais pendant cette période, je n'ai pas de congé. Mais je travaille aussi sur un projet de course pour enfants transplantés qui aura lieu à Anzère le 12 janvier 2002. Il s'agit de "The Nicholas Cup", qui sera courue à la mémoire de Nicholas Green, le fils de Reg Green. On invite un enfant des quatre coins du monde à participer à cette coupe. Une semaine avant la course, on organise aussi un camp de ski pour s'exercer ou simplement pour apprendre à skier. "The Nicholas Cup" est une course particulière où le vainqueur n'est pas le plus rapide mais celui qui devine combien de secondes il met de plus que l'ouvreur. Je peux déjà vous annoncer qu'il y aura bientôt un site consacré à cette course.

Qu'est-ce que vous avez gagné comme médaille aux Jeux de Nendaz?
J'ai gagné le slalom parallèle dans le groupe des vieilles dames comme moi et le super G. Je n'avais jamais fait de compétition auparavant mais c'est très excitant. Quand on met le casque et qu'on sait que la course durera à peu près une minute, on se dit: "J'y vais et tant pis si je me casse la figure". Par contre, au snowboard, j'ai été avant-dernière. Je n'ai pas l'âme à sauter les falaises.

Auriez-vous aimé ne rien avoir?
Bien sûr, mais le fait d'avoir été transplanté me permet de vivre des choses très positives: par exemple la rencontre avec vous ce matin. J'ai rencontré par exemple le père de Nicholas Green, celui qui vous avait envoyé un message. Et j'ai aussi rencontré une dame dont le fils voulait faire don de ses organes. Lorsqu'il a eu un accident, les médecins ont demandé à la maman si elle voulait bien donner les organes de son fils. D'abord révoltée, elle a dit: "Comment vous n'êtes pas capables de sauver mon fils avec tous vos appareils?" Puis, elle s'est souvenue de la promesse de son fils et a finalement accepté de donner ses organes.
Grâce à ce que j'ai vécu, j'ai aussi changé de regard sur la vie: certaines choses qui me paraissaient très importantes autrefois me paraissent futiles aujourd'hui.
Autre chose: je suis très reconnaissante par rapport aux personnes qui ont une carte de don d'organes. Je trouve que si vous portez une carte, c'est comme si vous aviez déjà donné vos organes.

Maintenant, vous avez donc deux anniversaires?
Oui. Le 10 mars, c'est mon anniversaire. Je fête cette année mes 40 ans. L'autre anniversaire, c'est celui de ma transplantation. Je ne peux pas vous dire cette autre date parce que le don d'organe est anonyme et la famille du donneur ne doit pas savoir qui a reçu l'organe.

Vous avez fait la fête au retour de l'hôpital?
Pas tout de suite, mais deux ou trois mois plus tard, j'ai invité mon chirurgien et les personnes qui m'avaient soignée. Nous avons fait une fête à la montagne. On a ri, on a même fait du karaoké, c'était un merveilleux moment et j'étais heureuse de voir ces personnes dans d'autres circonstances. Et puis, plus tard, lorsque j'allais acheter des collections pour mon magasin de sport, des gens qui m'avaient vu au téléjournal ou dans les journaux me reconnaissaient et me souhaitaient plein de bonnes choses. J'étais très touchée de cette "reconnaissance".

Est-ce que vous avez encore une activité sportive?
Oui, bien sûr, je pratique beaucoup le sport. Je fais du vélo, du fitness, de la course à pied. Je dois m'entraîner parce qu'à la fin août, j'irais aux jeux d'été pour transplantés qui se dérouleront au Japon.

 

3. Questions générales sur la transplantation

Comment ça se passe quand quelqu'un donne ses organes?
En fait, le donneur d'organes est tenu en vie par une machine. Vous avez sûrement déjà vu des films où on voit des machines travailler à maintenir des personnes en vie. On doit faire des tests pour voir si le corps du "donneur" n'est pas malade, si ça vaudra la peine de prélever des organes. Pendant ce temps, le bureau de coordination nationale de Swisstransplant commence déjà à chercher les "receveurs" potentiels. Les médecins font un encéphalogramme pour s'assurer que le cerveau du donneur n'est plus irrigué, et donc qu'il est bien mort cérébralement.

Liz et sa fille Zoé

 

C'est quoi un encéphalogramme?
C'est un appareil qui permet de voir si le cerveau est irrigué. S'il n'est plus irrigué, tu ne peux plus le ravoir, il est irrémédiablement fichu. Et cela signifie que la personne n'a plus aucune chance de vivre.

Mais pourquoi faut-il maintenir en vie le donneur?
Si les organes ne sont plus irrigués, ils commencent à se gâter, ils seront donc inutilisables pour une transplantation. Donc, on maintient en vie les organes du donneur pour pouvoir les utiliser ensuite.

A quoi ressemble un foie?
C'est un gros bout de chair, un bout de "viande" comme quand tu vas chez le boucher.

Est-ce que c'est comestible?
Mon ex-foie, sûrement pas. Les foies sains sont sûrement comestibles mais on ne mange pas de l'homme dans notre civilisation..

4.Le mot de la fin

Est-ce que vous avez encore peur aujourd'hui?
C'est marrant, mais je sens très libérée et j'ai aujourd'hui moins peur de tout.

Merci Liz de nous avoir ouvert les yeux sur votre vécu. Merci de nous donner une leçon de bonheur par votre joie de vivre!

Le greffier ad hoc, Pierre-Marie Epiney